Le développement de la recherche : un pavé dans la mare

Premières assises nationales des formations sociales :

40 ans après le mouvement culturel de mai 1968 bouleversant les conformismes pour construire une société moins inégalitaire et plus fraternelle, le champ social est aujourd’hui confronté à la décomposition de l’Etat social, à l’affaiblissement des politiques de solidarité, à l’accroissement des logiques sécuritaires et à la responsabilisation individuelle des personnes en difficulté.

Or, l’occasion manquée initiée par l’Etat dans les années 1980 mais vite abandonnée de développer la recherche dans le champ social, aujourd’hui, ne permet pas aux acteurs de ce champ de penser par eux-mêmes les enjeux, les significations et les contradictions de leur propre action. Cependant, alors que nous vivons une nouvelle ère, celle de la « glocalisation » et de la construction européenne, n’est-il pas temps que la production de la recherche dans les organismes de la formation et de l’intervention sociales contribue au dépassement de l’hétéronomie du champ social.

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A l’instar de la pédagogie de l’alternance, le développement de la recherche dans les organismes de la formation et de l’intervention sociales est indispensable à la mise en oeuvre de formations sociales de qualité. La production de la recherche est en fait plus que jamais lié à un enjeu politique fort nécessitant un certain courage de la part des dirigeants de l’appareil de formation. Favoriser le développement de la recherche peut en effet remettre en question «les représentations établies» : d’abord celles communément admises que seuls les universités ou les organismes nationaux de la recherche sont légitimes à produire des connaissances, ensuite que seuls les «cadres dirigeants» des instituts de formation et d’action sociales sont autorisés à penser les transformations nécessaires du travail social. Favoriser la «nouveauté» pour qu’elle devienne «innovation» nécessite que les institutions s’organisent pour que des espaces de turbulences, de désordres, de pensée conflictuelle et critique s’expriment. La recherche reconnue dans le champ social, notamment dans les instituts de formation peut tenir cette place : c’est une prise de risque nécessaire pour éviter la sclérose.

En définitive, le développement de la recherche est avant tout associé à un choix politique volontariste : organiser des «espaces de déviance» régulés pour favoriser l’expression de pensées innovantes et créatrices indispensables au développement des capacités d’action des intervenants sociaux. Il s’agit ainsi de constituer des «espaces conflictuels» et réflexifs producteurs de connaissances et de sens pour participer à la transformation sociale vers plus d’égalité et de justice. Dans cette perspective, la production et la valorisation de la recherche dans les centres de formation est indispensable : elles favorisent la combinaison de logiques de professionnalisation des intervenants sociaux avec des logiques de conflictualisation et d’émancipation indispensables à la transformation permanente du champ social.

Quoi qu’il en soit, nous assistons actuellement à un renouvellement d’intérêt timide pour la recherche dans l’intervention sociale exprimé par des représentants institutionnels nationaux et régionaux en charge de l’action sociale : nous nous en félicitons. Néanmoins, il s’agit d’être vigilants vis-à-vis d’initiatives pouvant paradoxalement être contreproductives. Dans la pratique, favoriser la production de la recherche au sein de l’appareil de formation sociale doit éviter plusieurs écueils dont les deux principaux nous semble être : – le risque de pérennisation et d’accroissement de l’externalisation de l’organisation et de la production de la recherche hors des centres de formation aux professions sociales ; – la mise à l’écart des principaux acteurs de la recherche que sont les chercheurs, en entretenant notamment la confusion entre le monde de la recherche et celui de l’expertise et du conseil.

Si vous pensez que le développement de la recherche dans le champ social est une exigence déontologique et politique, rejoignez l’ACOFIS (l’association des chercheurs des organismes de la formation et de l’intervention sociales).

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