L’action sociale anesthésiée ? Reprenons collectivement l’initiative
Qui sommes-nous ?
Nous sommes tous actifs dans les métiers de l’action sociale, au sens large.
Salariés sur fonds publics et exigeant légitimement d’en vivre décemment, nous n’avons pas choisi cette voie pour faire du «business», mais par souci d’humanité et de justice.
Beaucoup d’entre nous sont quotidiennement au contact direct des gens qui souffrent et qui ont des besoins ou des demandes spécifiques. Chaque jour, ils posent des actes professionnels. Ce ne sont pas des métiers d’ «exécution», mais d’initiative et de responsabilité.
Aujourd’hui, cinq ans après les états généraux de 2004, où en sommes-nous ? De manière générale, la situation des classes exclues, pauvres ou marginalisées, de même que celle des jeunes s’aggrave. Les salaires stagnent par rapport aux revenus du capital. Alors le social trinque et il trinquera demain plus encore. Pourtant protégé par la Constitution, il est devenu une variable d’ajustement. Alors que notre pays est riche ! C’est donc une affaire de choix politiques et tout spécialement de choix de politique sociale. La relance par le haut prônée par l’actuel gouvernement est sans effet économique tangible. On assiste au contraire à un renforcement des inégalités et à un recul global des systèmes de redistribution et de partage de la richesse.
Voyons cela plus en détail.
- Les gouvernants ne se cachent même plus pour prétendre que les pauvres coûtent trop cher et pour dénoncer les soi-disant fraudeurs. Ils ne se cachent pas non plus pour mépriser les travailleurs sociaux, du secteur public comme du secteur associatif. La privatisation des parcours vers l’emploi n’est pas loin. Elle est même déjà là !
- Les juges pour enfants, les psychiatres et autres spécialistes voient leurs pratiques professionnelles devenir des espaces d’«optempérance».
- La police s’est accaparée le dossier de la délinquance au détriment de la Justice. Les jeunes récidivistes sont désespérants pour la sécurité publique et l’éducatif est vilipendé pour ne pas être assez «performant». Apparaissent des fichiers dangereux pour les libertés comme Edwige. La Justice contracte désormais avec Bouygues qui promet des résultats et accède ainsi au marché public des prisons.
- La Protection judicaire de la jeunesse est renvoyée au pénal et la protection civile des enfants aux départements, plus soumise que jamais aux variations et aux limites des politiques locales, sans garanties pour les libertés publiques.
- Dans les établissements spécialisés du secteur médico-social, de plus en plus soumis à la frénésie gestionnaire (efficacité, efficience, qualité, évaluation, concentration, CPOM), les listes d’attente s’allongent et la solution du maintien voire du retour au domicile, par exemple dans le cadre des services à la personne, a les préférences de plus d’un décideur. Ainsi chacun isolé est en charge de sa difficulté.
- Certes, de nouveaux droits sont généreusement inventés, mais c’est souvent de l’ordre de la rhétorique plus que de l’effectivité immédiate, sauf à faire procès pour ceux qui en ont les moyens (droit au logement, droit à la scolarité pour les enfants handicapés).
- Manque évidemment une sérieuse et courageuse politique d’offres, de la petite enfance aux personnes âgées, sans oublier les jeunes. Nous n’avons plus ni politique de l’enfance ni politique de la jeunesse.
- L’offensive contre les services publics est engagée. Dans les territoires de la décentralisation, le développement social et les actions de solidarités sont affaire de programmes et les intervenants ne sont plus dès lors que «ressources humaines», entraînés par un régime général de mise en concurrence des opérateurs, de comparaison systématique des coûts et des résultats, et de contrôle administratif, parfois externalisé (qualité, évaluation). Comme si le social était devenu un quasi-marché.
- La régionalisation du système de formation a accéléré son délitement et favorisé son adaptation aux besoins stratégiques du nouveau patronat social (public, associatif et lucratif), loin de ce que font nos voisins européens, souvent dans le cadre universitaire. Nous allons au contraire vers une sorte de privatisation à la française.
- Entièrement au service du développement économique, l’État est aux abonnés absents en matière sociale. Au lieu d’en être garant, il détricote les droits sociaux. Pas rentables, peu productifs, mal gérés. Bientôt la DGAS, qui assurait tant bien que mal, l’unité politique de l’action sociale et du travail social, sera rayée de la carte. Merci la LOLF, la RGPP, l’Agence régionale de santé…
- L’Éducation nationale est visée, mais résiste encore. Le retour aux fondamentaux s’accompagne d’un discours vichyssois contre les sciences de l’éducation et les IUFM, pendant que la réduction autoritaire des postes fait le reste. Des entreprises lucratives (ex : Acadomia ou Après la classe, …) en font un marché de services à la personne. Les familles paieront. Dans le même temps, d’autres politiques promeuvent le droit à la scolarisation pour tous les enfants handicapés, même une heure par jour ou deux jours par mois, dénigrant au passage le secteur associatif spécialisé. Comme si c’était aussi simple.
- Sur le front des sans-papiers, heureusement le Conseil supérieur du travail social a récemment réagi avec courage à une mise en oeuvre de la politique migratoire de plus en plus attentatoire aux libertés (gestion pénalisante des familles, centres de rétention et autres pratiques). Mais n’oublions pas qu’il est présidé par la ministre !
Voilà pourquoi, il est temps de (re)prendre une fois encore la parole, tous ensemble, pour dire plus haut et plus fort : «ça suffit».
Voilà aussi pourquoi, il importe de ne pas le faire tout seuls, mais avec tous ceux qui veulent préserver une certaine idée du social, y compris quand l’intendance ne veut pas suivre.
On pense évidemment aux cadres, aux fonctionnaires, aux administrateurs, aux bénévoles, aux élus, aux universitaires et chercheurs, et, bien évidemment, aux usagers. Certains nous ont déjà rejoints dans nos mobilisations.
Des mobilisations, il en existe beaucoup dans toute la France, mais plus souvent locales que nationales, et cette dispersion est sans doute ce qui fait notre commune faiblesse.
Voilà pourquoi, un collectif composé pour l’heure de trois organisations, dont l’une est déjà un groupement, à savoir : la CPO (conférence permanente des organisations professionnelles du social), le MILH (mouvement interprofessionnel pour un humanisme laïc) et 789 radio sociale, vous propose, dans un premier temps, de rejoindre une université de rentrée, les 4 et 5 octobre 2008, à Paris. Ce sera l’occasion de faire le point, de rapprocher les expériences, de confronter les analyses et surtout de décider des suites à donner.
Au plan pratique, pour des raisons faciles à comprendre, nous n’assurerons ni prise en charge ni logement ni restauration. À chacun de prendre ses responsabilités. Nous retiendrons seulement un lieu permettant tout à la fois de travailler en petits et en grands groupes. Nous avons également imaginé une soirée plus conviviale, mais sans repas. Des précisions sur le lieu seront fournies début septembre.
Sans parler d’inscription, il serait néanmoins important de savoir quelles sont vos intentions. Pour cela une seule adresse mail durant l’été: jacques1@cegetel.net
Merci à tous et à très bientôt.
Pour la CPO : François Chobeaux : www.cemea.asso.fr/spip.php?rubrique38
Pour le MILH : Joël Dutertre : joel.dutertre@free.fr
Pour 789 radio sociale : Martine Pottier ; www.789radiosociale.org