Sorcellerie et cures exorcistiques : alternatives à l'intervention des travailleurs sociaux ?
Mardi 14 juin 2011 à 17h
L’Association des Chercheurs des Organismes de la Formation et de l’Intervention Sociales et l’Institut du Travail Social de la Région Auvergne sont heureux de vous inviter au séminaire :
Sorcellerie et cures exorcistiques : alternatives à l’intervention des travailleurs sociaux ?
Brigitte Mortier
Résumé
Les personnes ensorcelées existent-elles toujours et si oui sont-elles une catégorie hors monde ? Dans le cadre des interventions des travailleurs sociaux, il n’est pas si extraordinaire d’entendre parler de phénomènes qui apparaissent a priori surprenants aussi apparaît-il légitime de s’interroger sur les raisons de l’actualité des rapports sorcellaires.
Certaines personnes sont-elles sous la domination de Satan ou leur situation relève-t-elle des urgences psychiatriques ? Le travail que j’ai réalisé sur le sujet montre qu’elles succombent à la détresse, victimes des conditions de vie rendues oppressantes, anxiogènes dans le contexte d’une économie libérale décomplexée qui a prise sur les êtres, qui leur substitue leur rôle d’acteur, leur ôte toute capacité d’agir, les réduits à l’indignité et à la passivité voire à la mort, mort sociale pour le moins.
La sorcellerie, on a pensé qu’il s’agissait d’une croyance dépassée que seules des personnes naïves et crédules pouvaient encore admettre comme réalité. Pourtant, en France, les recours auprès des prêtres exorcistes vont s’accroissant. Ils sont parfois une alternative à la consultation du psychologue ou de l’assistante de service social.
L’analyse de la cure exorcistique montre qu’il s’agit d’un rituel redevenu une modalité de soin rationnelle qui fait preuve d’efficacité. Elle met en œuvre les compétences d’écoute du prêtre exorciste comme le ferait un travailleur social.
A l’opposé de la pensée cartésienne, la sorcellerie apparaît comme un système de sauvegarde de soi ; in fine, un mécanisme de régulation sociale qui, aujourd’hui, ose apparaître dans l’espace public comme une alternative au malheur récurrent.
Le fonctionnement de la société contemporaine, par la désaffiliation induite ne permet plus à chacun d’assumer ses engagements ; Georges Balandier analyse justement le système sorcier comme un langage révélateur des tensions sociales qui ne font pas défaut aujourd’hui.
Cette réflexion vise à permettre la réintroduction, dans le social, d’autres formes d’altérité, l’acceptation dans les rapports sociaux de rationalités différentes, ce qui participe, à mon sens, au procès de réenchantement du monde.