Ethnographie des confrontations violentes dans une cité impopulaire
Jeudi 10 mars 2011 à 17h
L’Association des Chercheurs des Organismes de la Formation et de l’Intervention Sociales et l’Institut Régional du Travail Social du Languedoc-Roussillon sont heureux de vous inviter au séminaire :
Ethnographie des confrontations violentes dans une cité impopulaire
Manuel Boucher
Résumé
Confrontés à la radicalisation des processus de paupérisation et de relégation des habitants des quartiers populaires, nous assistons à l’émergence d’une « police des villes » se rapportant aux actions multiples visant à contrôler les activités des individus mises en œuvre depuis trente ans pour lutter contre l’insécurité urbaine. Dans les quartiers d’habitat social, Manuel Boucher montre ainsi que nous assitons à une intensification et à un renouvellement du contrôle social et de la gouvernance urbaine caractérisés notamment par la participation de nombreux acteurs sociaux agissant dans trois principaux espaces d’intervention (social, culturel, urbain) et collaborant, entre eux, à la mise en œuvre d’un espace « social-sécuritaire » au sein duquel se combinent des valeurs de sanction et de « correction éducative » ou de re-socialisation socialisation. Les frontières se brouillent entre le social et le sécuritaire. En fait, notamment depuis les émeutes urbaines de l’automne 2005, la plupart des acteurs sociaux et politico-institutionnels sont obnubilés par ces violences. Tous les acteurs sociaux ont en commun d’être hantés par le spectre des émeutes. La gestion des risques de violences juvéniles est alors une des principales préoccupations de l’action publique dans les quartiers populaires. Or, paradoxalement, le plus souvent, les acteurs sociaux institués, par crainte et/ou par méconnaissance de « l’expérience du ghetto », s’inscrivent dans des logiques d’évitement des « jeunes turbulents ». En effet, dans la rue, c’est à dire dans les espaces interstitiels « hors les murs », en plus d’une présence accrue des forces de l’ordre chargées d’éviter les débordements et d’interpeller les délinquants, le renouvellement du contrôle social s’opère notamment par la mobilisation d’une partie des habitants des cités périphériques populaires (des « pacificateurs indigènes ») afin de permettre, par « le bas », un meilleur « rendement » de la production de la paix sociale locale. Ces acteurs régulateurs formels et informels de l’« intérieur », autrement dit, originaires eux-mêmes de cités populaires (parents de potentiels délinquants et émeutiers), sont ainsi utilisés comme des supplétifs de l’ordre social local et responsabilisés notamment par des représentants de l’Etat régalien et des pouvoirs politiques locaux en charge du respect de l’ordre établi mais aussi par des acteurs sociaux professionnels.